La question de la pérennité du monde rural et du bouleversement des métiers de l'agriculture, la mise en lumière et la parole des femmes et des hommes confrontés à des défis complexes pour nous nourrir et assurer notre souveraineté alimentaire occupent régulièrement une place de choix sur les antennes de France Télévisions. Le 1er février 2024, France 2 déploie un dispositif éditorial exceptionnel à l'heure d'une colère agricole et d'une actualité brûlante gagnant chaque jour plus de territoires.
"Envoyé spécial" propose un premier reportage au cœur de la mobilisation des agriculteurs en Bretagne et en Occitanie et dans les différents convois qui montent sur Paris. Un deuxième reportage pose la question des difficultés qu'ont les jeunes agriculteurs à s'installer face à un coût du foncier de plus en plus élevé. Alors que la contestation s'étend en Europe, les journalistes se sont également rendus aux Pays-Bas et en Allemagne.
Agriculteurs, jusqu’où ira la révolte ?
Cette folle semaine a vu les tracteurs débarquer en ville et ceinturer Paris. Une campagne perdue de vue qui ruminait en silence sa colère, le sursaut d'un monde abandonné. Tout est parti d'un homme, Jérôme Bayle, éleveur de bovins en Haute-Garonne et ancien rugbyman qui, grâce à un coup de gueule le 16 janvier à Toulouse, est devenu une figure du mouvement. Présent sur tous les médias, il a incarné à la fois la colère, la fierté et l'espoir paysan.
Il est parvenu à rassembler de nombreux exploitants, qui ont organisé des blocus partout en France : barrages filtrants pour dénoncer les produits importés et opérations coups de poings visant les symboles de l'Etat, comme la préfecture d'Agen recouverte de lisier. A la manœuvre, les bonnets jaunes de la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, le plus radical, dirigé par Véronique Le Floc'h. Dans toute la France, ils entendent transformer la grogne en révolte paysanne, refusant de "crever en silence". Au registre de leurs plaintes : des contraintes administratives trop lourdes, des contrôles incessants, la concurrence des produits étrangers, un travail très dur pour des gains jugés trop modestes... Car si le prix des aliments a bondi de 20% en deux ans, les revenus de ceux qui les produisent n'ont pas suivi.
Plus chère sera la terre
En quarante ans en France, deux millions d'hectares de terres ont été artificialisés. Urbanisation, bétonisation... En vingt ans, les prix des terres et des prairies a presque doublé, et seuls les agriculteurs les plus fortunés peuvent désormais tirer leur épingle du jeu en créant des exploitations de plus en plus grandes, quand les petites fermes familiales, elles, disparaissent les unes après les autres. A l'avenir, les exploitations à taille humaine auront-elles encore leur place ?
Alors que d'ici une dizaine d'années, la moitié des 400 000 agriculteurs français auront atteint l'âge de la retraite, la journaliste Lauriane David, fille d'agriculteur, a scruté la ruée sur ce nouvel "or vert" et les tensions entre petits exploitants et fermes industrielles.
La faute à l'Europe ?
L'Europe serait-elle à l'origine des maux des agriculteurs ? Alors que la contestation agricole s'étend désormais à une dizaine de pays, "Envoyé spécial" s'est rendu en Hollande et en Allemagne.
Aux-Pays-Bas, premier exportateur de viande de l'Union européenne, les autorités se sont attaquées aux émissions d'azote avec un projet de réduction de cheptel qui inquiète tout le secteur. Mais face à la contestation des agriculteurs, responsables de 60 émissions, le gouvernement a déjà annoncé qu'il allait "assouplir" son projet azote et ne tiendrait pas ses objectifs environnementaux.
A Düsseldorf, en Allemagne, Loïc de La Mornais s'est rendu au ministère régional de l'agriculture, où les agriculteurs manifestent depuis plusieurs mois, et sur une exploitation. Les paysans allemands se battent contre la réglementation européenne des jachères obligatoires, mais aussi contre une réforme de la fiscalité du diesel agricole et contre les contrôles auxquels ils sont soumis.
Invité : Loïc de La Mornais, journaliste.
Elise Lucet va également à la rencontre d'une agricultrice sur son exploitation, et interviewe Dominique Schelcher, directeur général de Système U, sur la question des prix des produits alimentaires et des responsabilités de la grande distribution face aux difficultés des agriculteurs.
